Crevez, vivez mais laissez-nous

 


« Nous ne sommes plus intéressés, merci de nous laisser tranquille. Veuillez prendre vos paquets et retourner dans vos pénates, vos vies, vos directions. Crevez, vivez, mais ne revenez pas ici ». Je claque la porte. J’ai mal au crâne. Ma mie est tout aussi épuisée. Nous avons pris dix ans dans l’aile après ces semaines de guerre. Mais la maison est de nouveau plongée dans la quiétude, au cœur des marais sur lesquels règnent les crachins automnaux. Nous y voyons un peu. Au-delà de la côte, à quelques dizaines de mètres de notre pallier, les rouleaux d’écume strient la mer verdâtre sous la ligne d’horizon. Au-dessus de celle-ci des volutes de vapeur bistres sur fond de ciel grisâtre ébréché offrent au regard une lumière molle, dérangeante. Nous n’avons plus d’électricité, mais la cheminée est allumée. J’ai bien une vingtaine de livres en retard à lire, mais je préfère m’allonger sur ses cuisses et m’assoupir… Nous savons que maintenant, et malgré quelques répliques grotesques de cette louve boiteuse et de ce requin édenté, nous n’avons plus à nous soucier. Les ventres percés, les crânes explosés forment de longues traces dégueulasses dans les mauvaises herbes. Nous fredonnons For Real de Tricky :

« You watch too many films
Too many films for real
Some because you take too seriously
Your record deal
A record deal pays bills
Feeds the family
Your profile is too big
How you gonna be a crime family

Too many films are for real
You want to see any films
Films are for real… »

Extrait de « Chroniques en zone de guerre digitale »


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