Les lapins nocturnes tripotent les feuilles mortes craquantes



Il inspecte le pare-choc de la voiture puis il passe la main dans l’entrebâillement de la vitre conducteur. Tiens, il sourit. Tiens. « Ça va pas être possible. Ici, y’a que les adhérents au club qui sont autorisés à entrer ». La marmite est pleine, il n’a pas l’air méchant, il a l’air plein de bonhomie ce vigile zélé. Il a l’air aplati comme une planche, le front troué d’une balle… La marmite est pleine. On n’avait pas bien fait la comptabilité, compte de résultat de notre potentiel reproductif. On n’a pas fait les bons choix, on a essayé, on a échoué, on a essayé de nouveau, on a fait risette aux clients à la caisse du supermarché, on a distribué des tracts publicitaires dans la rue, on a même glissé des mots doux dans l’oreille-radar des policiers en faction. Tout a été fait. Le téléphone à sa place, l’écran d’ordinateur bien en face, la Lune en Saturne, la burne au saté, pâte au saindoux et évier en inox. La ronde de nuit peut commencer. Nous nous sommes garés sur la colline qui surplombe la résidence. Les bois sont humides, les lapins nocturnes tripotent les feuilles mortes craquantes. Lucille vérifie son verni à ongles légèrement abîmé par la gâchette. Elle est pressée, elle veut se ruer sur les clubistes milliardaires. Je lui dis de se calmer. Elle me lance : « Mehdi, t’as toujours eu la peau des joues trop roses. Faut arrêter de cogiter comme ça, faut foncer ». Je la supplie de se calmer. Les yeux dans les jumelles. Des lueurs, des lampes de jardin solaires, une piscine bleue éclairée jusqu’au matin, des vieilles blondasses aux seins de baudruche ricanant comme des collégiennes petit bateau rouge sang. La marmite est pleine, nos paupières sont lourdes, le pendule s’est figé, il sera bientôt l’heure de se jeter dans la fosse… 
Lucille lève le ton, murmurant jusqu'à saturation: "Voilà, même si on les tue tous, ils resteront vivants, comme nous tous! On aura juste rangé la chambre comme tu dis toujours. On les aura empêchés de nuire, d'exploiter, de se foutre de la gueule de la masse des galériens. Tu le sais, nous sommes tous des poussières errantes emprisonnées dans la sphère du le nuage d'Öpik-Oort!"

 

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