L'assassinat de mon père (2)

 


Cette époque est celle de l'illusion et des chiens battus qui se vantent d'être battus.
Je n'ai pas eu d'enfants. Officiellement parce que je n'en veux pas et parce que ce monde en plein effondrement n'a pas besoin d'un marmot supplémentaire.
Mais une autre raison est cette capacité à en avoir. Je ne peux pas en avoir. Ma psyché chiasse ne veut pas, n'a jamais voulu.
Mon père n'en voulait pas. Un jour, sortant de garde-à-vue, il s'est pendu à mon cou en me criant "tu n'es plus mon fils, t'as compris ? Ta mère est une pute, tu es un fils de pute. Si j'en suis là, si je sors de cellule, c'est à cause de toi et de ta pute de mère."
Je supportais ses 85 kg, son corps d'un mètre quatre-vingt cinq du haut de mes 13 ans, 1m60, 45 kg à tout péter. J'étais comme figé dans la douleur, dans la haine. J'étais la chose obligée de ce type. Je ne sais pas si je l'aimais mais je suis sûr que je voulais le tuer. Les mois qui suivirent, je m'attelai à cette tâche et pourtant, je n'y suis jamais parvenu. Mon père qui s'est officiellement suicidé en 1986 a pourtant bien été assassiné. J'en ai la certitude. Et avant de disparaître à mon tour, je ressens le besoin de raconter comment sa vie, même minable, lui a été ôté.

Extrait de "L'assassinat de mon père"

#avantextinction

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