Coil. Une histoire contre nature - 1 - Une pluie inversée défiant tous les sens



Tout commence par une pluie fine et pénétrante qui ne laisse aucune chance à aucun tissu. Une pluie à tremper jusqu'à l'os. Tiède. Epaisse comme une sueur croupissante et puante. Une puanteur que l'on aime pourtant. A l'instar de ses propres odeurs que l'on tolère, que l'on aime parfois tandis que l'on ne peut supporter celles des autres. 

Une pluie fine et pénétrante donc mais qui à la différence de ce que l'on connait en ce bas-monde, ne viendrait pas du ciel. Une pluie qui jaillirait du sol pour s'attaquer d'abord à la plante des pieds, les chevilles, les jambes et l'ensemble du corps. Une pluie inversée défiant tous les sens, remettant en question toutes les émotions, bouleversant les sentiments, déglinguant la glace du réel pour laisser la place aux strates oniriques que nous cachons au monde. 

ça ressemble à Coil. C'est du moins ce que je perçois, ce que je vis depuis 1993 lorsque j'ai entendu ce groupe pour la première fois. J'avais alors 20 ans, un âge où certains cherchent le chemin mais en se cassant la gueule sur chaque obstacle. Difficile de me rappeler la première écoute. J'imagine que ça m'a pris un peu de temps. On n'entre pas dans l'œuvre de Coil comme on se rend dans un parc d'attraction ou un supermarché. On y pénètre comme à la guerre, on y va doucement, sûrement, avec toutes les précautions nécessaires. 

Et puis ça ne vous quitte plus. ça revient sans cesse. On aime un morceau, un album, on aime une partie, on aime tout. Quand Coil est entré dans une existence, c'est pour ne plus jamais en ressortir. J'ai eu le bonheur et le malheur d'y mettre un premier pied, de me laisser tremper la plante d'un pied par cette pluie jaillissant des entrailles de la Terre. Une partie de mon sang, de ma chair, de mes neurones est devenue Coil, mon Coil approprié, mon Coil. Une version prophétique de la musique. Une musique qui ne peut parler qu'à quelques-uns, très peu de personnes en réalité. Il ne faut pas être effrayé pour l'entendre, il faut autant se sentir vivant que déjà-mort. 

Il m'est apparu depuis une quinzaine d'années que je devais écrire sur Coil. Ce groupe multiforme a disparu en 2004 à la mort de l'un de ses leaders: John Balance. Et cette mort s'est parachevée avec la disparition de Peter "Sleazy" Christopherson, l'autre pilier de la formation. 

Ce livre est plutôt fabriqué comme un morceau de Coil. Expérimental, parfois déviant, confusant, infusant une lumière qui n'éclaire pas mais qui pénètre. On pourrait le qualifier de livre hommage, de livre inspiré par une œuvre. Je pense qu'il s'agit pour moi de faire vivre cette formation, encore et encore. A destination de ceux qui vivent avec bien sûr mais aussi de ceux, et ils sont légions, qui n'en ont jamais entendu parler. 

Courir avec une jambe brisée. Laper la flotte croupie d'un marécage. Regarder les spectres dans le blanc des orbites vides de leurs yeux. Ecrire des disparus. Ecrire une musique bien vivante, diffuse, installée dans les recoins de notre monde surpeuplé, sursaturé, suranné. 

Mmm, we embrace
The vegetable kingdom
The death of your father
The death of your mother
Is something you prepare for
All your life, all their lives

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