COIL. UNE HISTOIRE CONTRE NATURE - 2 - Les suppliciés

 


Au début, il y eut l'énergie blanche et l'énergie noire. Elles se mélangèrent dans un chaos indescriptible, formant un monde au-delà du réel. La vie par-delà la vie. 

Les dimensions qui la composent ne sont pas ou peu explorées. Seuls les plus éveillés, les plus aventuriers ont tenté de traverser ces frontières invisibles que le quotidien camoufle tel un voile. Un homme vêtu d'une longue toge noire jaillit de l'humus d'une forêt primaire. Il avance lentement, à grands pas, foulant un sol suintant de ses pieds nus. 

Oh Lord, save my sinful soul
From local punishment
From the far-away zone
From being frisked
From the tall fence
From the severe prosecutor
From the Devil or from the devil owner
From small rations
From dirty water
From steel handcuffs
From hidden obligations
A cold cell
And short haircuts
Save us from the death penalty
Amen
Amen
Amen

Il planait au-dessus de leurs têtes la menace persistante d'une punition. L'homme a rejoint la clairière. Le soleil dégageait une lumière lunaire à travers les branchages dépourvus de feuillages. Son immense main semblait tenir un sceptre que personne ne pouvait percevoir sauf bien sûr les deux hommes à genoux au centre de cette clairière. Ils étaient ivres, lessivés par des heures de baise et d'absorption de substances hallucinatoires. Ils n'étaient plus qu'alcool, drogue, foutre et fatigue. Abattus comme des guerriers qui auraient combattu des jours durant. A peine avaient-ils la force de joindre leurs mains afin d'implorer qu'on les épargne. 

En s'approchant d'eux, l'homme ouvrit sa toge noire, dévoilant un corps sec et musculeux, un sexe énorme dressé vers le ciel. Sa bouche n'était autre qu'une plaie purulente d'où s'écoulait un liquide épais et jaunâtre. John et Peter ne parvinrent pas à retenir leurs larmes. Ils le supplièrent de les laisser partir, vivre encore un peu "parce qu'il y a encore tant de strates de la vie que nous n'avons toujours pas découvertes." 

La plaie buccale sourit. Un jet de pu arrosa les crânes des deux suppliciés. 

A sleeping explorer
His wandering mind
Crossed over the border
A mind like a cemetery
Where the corpses
Are turning
Where the bodies
Twist deep
In the frozen grip
Of a dreamless sleep
Then the lowest
Comes up
Like a wreck
From the depths.

L'homme empoigna son sexe fermement pour le branler lentement. Peter se tut en pleurant. John continua à demander pardon sans que cela n'arrête celui qui leur faisait face. De plus en plus rapidement, il se branla, un sourire monstrueux se dessinant sur sa plaie buccale. Un sourire de plaisir, un sourire diabolique, un sourire démentiel. Rien ne put l'arrêter, pas même les vents violents qui se levèrent et castagnèrent la cime des arbres aux alentours. Ses grognements se muèrent en mots: "Vous allez réaliser notre rêve ! C'est pour cela et uniquement pour cela que vous êtes dans cette grande mascarade que vous appelez l'Humanité." Son souffle accéléra, atteignit une cadence survoltée jusqu'à cet instant terrifiant où l'orgasme s'empara de la totalité de son corps. De son sexe violacé jaillit un flot continu de rats bleus tombant sur le sol et se précipitant sur les corps abattus de Peter et John... Les assaillant de leurs crocs, arrachant la chair de leurs bras, de leurs dos, de leurs cous, de leurs visages, les réduisant à l'état de carcasses déchiquetées. 

Dans un fracas de cris de douleur, 

Dans un flux étourdissant de grognements orgasmique... 

En ouvrant les yeux, Peter parvint à distinguer une nuée d'oiseaux rouges déboulant de l'est pour déferler et détruire Paris en une seule nuit... Ils avaient joué la veille dans une petite salle de la capitale française. Son corps était douloureux. Une pâte blanche empêchait ses paupières de s'ouvrir complètement . En se levant péniblement du lit de cette chambre d'hôtel un peu vieillotte, il précipita vers la fenêtre, en ouvrit le rideau et vit les rues, les bâtiments, parcs de la ville comme ravagés par un terrible ouragan. Paris était donc bien en ruine. Sa chambre était intacte. Il était vivant au milieu du saccage. 

Le téléphone sonna. Il décrocha. C'était la voix pâteuse de John au bout du fil: 

"J'ai passé une sale nuit. C'était horrible. Je me suis trop défoncé hier soir. 

- C'est pareil pour moi John. Tu as vu comme la ville est saccagée ?

- Je suis resté dans le noir. J'ai tellement mal au crâne. Ce cauchemar me reste dans la tête comme si c'était réel. On était dans une clairière, un type habillé en noir est arrivé de nulle part. On pleurait. On le suppliait de nous épargner. Et il a sorti sa queue, il s'est branlé. On était effrayés. C'était pourtant excitant, fascinant en même temps. Il se branlait et ça amplifiait les vents qui sont devenus de plus en plus violents jusqu'à ce qu'il jouisse des putains de rats bleus ! Des rats qui sont venus nous bouffer par centaines ! Oh c'était absolument horrible ! 

- C'est pas un rêve John. Je l'ai vécu aussi. J'y étais. Tout ce que tu dis, je l'ai vécu. Putain, je l'ai vécu! J'ai même ressenti au plus profond ce que c'était de mourir dans d'atroces souffrances. 

- Tu te fous de moi. 

- Je te jure que non. Je te promets que j'ai vécu tout ça comme toi..."

En retournant vers la fenêtre, un verre de whisky à la main, Peter vit la ville se reconstituer sous ses yeux. En quelques secondes... Paris redevint Paris. La circulation des voitures, cette saleté de ciel d'un bleu pollution, les passants fades tristes et stressés. Tout était de nouveau normal tandis que l'alcool s'insinuait à nouveau dans ses veines...  

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