Métier: écrivain charcutier-traiteur - Journul intime 68



À me comparer à un charcutier, je suis plutôt un charcutier-traiteur qui fabrique tous ses produits lui-même, avec des ingrédients, des épices, des cuissons personnalisés pour toucher les clients qui viennent dans ma boutique. Ils sont parfois nombreux, et parfois ils se font rares, tout dépend des arrivages. Je ne peux fabriquer une bonne terrine ou un pâté selon les critères de qualité que je me suis fixés si la matière première n'est pas bonne. Et puis mes plats ne sont pas forcément ronds, carrés ou lisses et d'apparence impeccables parce que je les fabrique de mes mains, que j'y mets de l'inspiration du moment. Certains dont je suis fier ne plaisent pas forcément à la clientèle quand d'autres se vendent comme des petits pains. C'est ainsi mais au moins je suis soucieux de mon indépendance, de ma liberté de faire comme mon inspiration le commande...

On m'a proposé de travailler chez Cochonou, chez Hénaff ou chez Labeyrie... Il fut même un temps où j'y ai postulé, sûr que leur "marque" me donnerait un plus grand crédit auprès d'une clientèle... Seulement quand j'y ai fait de courtes immersions pour connaître leurs attendus, je me suis rapidement rendu compte qu'ils souhaitaient de moi que j'use de mes "talents" pour fabriquer leurs produits standardisés, bien ronds, bien brillants, bien emballés et produits à l'échelle industrielle. J'y perdais inexorablement cette touche d'épices que je peux ajouter là où on ne l'attend pas, ces tentatives d'expérimentations fructueuses ou infructueuses mais qui m'éclatent et donnent toute la raison d'être à mon activité.

Je ne suis pas totalement contre ces grandes marques, parce qu'elles savent produire, parfois, des mets plutôt savoureux, mais avouons tout de même que ça n'est généralement pas le cas. À cela s'ajoute le fait que leur finalité est de moins en moins le produit et de plus en plus les profits qu'elles peuvent en tirer. Cela implique qu'elles s'adonnent à toutes les compromissions possibles. Viandes pleines de chimie, colorants et autres adjuvants. Matières premières peu soucieuses des producteurs et de leurs conditions de vie.

Pour certaines de ces marques, initialement, elles étaient de petites boutiques tenues par des charcutiers désireux de vendre de bons produits pour satisfaire une clientèle curieuse.  Au fil du temps, avec le succès de certaines ventes, les jeux de fusion-acquisitions, l'obsession de tenir face à la concurrence ou le souhait de la voir disparaître par tous les moyens, elles sont devenues des productrices de produits médiocres...

Je reste donc attaché à ma petite boutique, je vivote plus que je ne vis de mon commerce, mais aucun de mes produits n'est le fruit d'une tentative pour devenir cresus. Je n'attends pas les compliments de mes pairs ni même la Une de journaux. Je veux juste continuer à fabriquer mes terrines, mes saucisses, mes pâtés comme bon me semble. Quitte à mettre la clef sous la porte. Et ça n'est pas grave, par la suite, je continuerai à fabriquer tout ça chez moi, pour mes amis...

Vous l'avez compris, cette métaphore charcutière n'a qu'un objectif : vous exprimer ma démarche en qualité d'écrivain et dire à ceux qui me traitent de frustré ou de raté de la littérature qu'ils ne comprennent strictement rien à ma démarche. Qu'ils préfèrent les pâtés en boîte de Cochonou, soit, à savoir qu'ils privilégient et ne donnent du crédit qu'aux écrivains publiés chez Grasset, Flammarion ou Robert Lafont ne leur octroit pas le droit de me cracher à la gueule.

À bon lecteur, salut.

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