Rien ne sert à rien - Journul Intime 105

 

Toboggan


De l'inspiration, il ne reste plus que la poussière. Penser qu'écrire parmi les multitudes d'écrits n'a aucun sens. Je n'ai rien à apporter de particulier. La disparition des lecteurs à la vitesse de la perte de notoriété en témoigne. À quoi sert-il de blablater du texte publié pour que 99,999999999% de l'humanité s'en branle totalement ? Ça n'empêche pas d'écrire dans son coin, quand ça prend, quand ça fait envie comme une vieille branlette qui atténuerait la solitude et le caractère pathétique de la vie. Surtout quand elle dure, que le confort qu'on en tire est plus fort que l'envie de disparaître. Écrire. S'en plaindre publiquement et s'y complaire intimement. Y disparaître comme dans une bonne sieste volée à la frénésie de l'époque.
Rien ne sert à rien. Encore moins lorsqu'on se met en tête de rédiger la vie telle qu'elle est, sans combines narratives bonnes à capter l'instruit ou l'abruti qui n'aime qu'une chose : qu'on le prenne par la main et qu'on lui indique le chemin.
Je ne sais pas faire ça. J'ai toujours vécu dans l'illusion que les gens avaient une once d'autonomie mentale. Que nenni. C'est bien tard pour le réaliser. Mais au moins, grâce à cette illusion, j'ai pu me rassurer longtemps sur les êtres humains. Illusion, utopie ou pensée à la con, ça m'a maintenu et j'ai écrit et publié en ce sens, pensant simplement que je pourrais convaincre.
Quelle prétention. Quel aveuglement. Je ne vois que des êtres anéantis par le conformisme ou la rébellion de salon. Des archétypes. Des clichés. Des suivistes et des autruchistes (je suis le créateur absolu de ce terme, petit rappel car depuis trop spolié).
Pour autant, de tout ça, je n'en tire aucune aigreur. Au contraire, je pense que ça m'a permis de me libérer des dernières crottes d'espoir que je concédais aux humains.
J'entame la douloureuse descente de ma vie déjà bien longue avec une sensation de tranquillité que je rêvais d'atteindre. Écrire donc. Publier de moins en moins ou de façon de plus en plus discrète. Et profiter des âges que je n'imaginais même pas atteindre il y a des années de ça, pour composer l'humus et les miasmes qui se régaleront de mon corps...
Je vous ai prévenus. Je n'écris pas pour vous. J'écris parce qu'on m'a ordonné de le faire.

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