C’est quoi la différence entre un bon et un mauvais auteur ?
Ça prolifère. Il n’y a sans doute jamais eu autant d’écrivains qu’aujourd’hui. C’est une véritable épidémie qui saisit la population ! Ecrivains du dimanche, écrivains de réseau, écrivains de palais, écrivains partout, tout le temps et sans cesse. Et l’explosion du phénomène est à identifier dans les genres tels que la Romance, la Dark Romance, la Dystopie, le vampirisme, le zombisme, le bien-être, la « psychologie » et j’en passe.
Désormais, chacun se fait une place dans l’acte d’écrire. Le souci n’est pas la qualité des écrits. Bien entendu, la plupart des scribouillards qui badigeonnent internet de leurs salissures rédactionnelles, n’ont d’intérêt que pour celui ou celle qui s’expose à la vindicte numérique. Qu’ils trouvent un lectorat, soit. Cependant, il y a à constater une chose : la littérature est morte dans la prolifération. Dissoute. Anéantie. Réduite à l’état liquide et malodorant dans le tout-à-l’égout de l’art. Les auteur·es qui respectent encore cette discipline ne sont pas légion. Ils titubent dans les recoins de ce gros bide gélatineux d’une littérature malade. Jusqu’ici pourrait-on dire que ce n’est pas la fin du monde, qu’il faut bien que chacun se sente libre de s’humilier avec des textes vaseux, insipides, sans exigence stylistique, grammaticale et parfois orthographique.
Ce raz-de-marée a commencé depuis des années sans que personne ne bronche. Les gros éditeurs y voient une manne. Une telle a 25000 followers et 230 likes par publication ? On édite ! Un tel a obtenu le prix de la meilleure nouvelle de Dark Romance sur Wattpad ? On met en tête de gondole ! L’essentiel est que ça rapporte. On n’a plus à se poser la question d’une singularité ni même d’un impact littéraire fort. On n’a plus le temps pour ça ! Le monde va vite ! On n’admire plus, on scrolle à fond à s’en bousiller les yeux et le système neuronal.
Seulement, à ce phénomène s’est agrégé celui des IA génératives. Désormais, on peut faire illusion. Il ne faut plus savoir écrire, exprimer une pensée singulière, personnelle, impudique ou profonde ; il faut absolument manier l’art du prompt ! « Crée-moi une dark romance avec une jeune femme qui, après avoir subi les abus de son frère durant l’enfance, ressent un profond désir pour les mâles puissants à condition qu’ils acceptent de se faire attacher au radiateur, écraser les balourdes avec des talons aiguilles… Qu’il soit bad boy et homme d’affaires dans la vie, etc. » Et zou, c’est parti, la machine pond sa daube en deux-deux… Ah tiens… Une autre idée : « Ma chère IA, écris tout ça avec le style de Musso mélangé à celui de Victor Hugo. Ok pour toi ? » Tu m’étonnes qu’elle est OK l’IA. Elle kiffe de recracher ses milliers de milliards de données pompées pour qu’un quidam en mal d’existence se la joue écrivain de haut-vol à la promo de l’école de commerce internationale IUD ou auprès des collègues de la Cogéflupe. « Ah ouais tu es écrivain ? Je sais pas comment tu fais ! Tu trouves où ton inspiration ? »
C’est à regretter l’époque où les plagiaires se cassaient la tête à pomper d’autres auteurs ! Bref, je pense que je ne fais qu’enfoncer une porte ouverte à gros coups de tatane ! Mais je pense qu’il est important de le dire, de rappeler qu’aujourd’hui, il y a encore des personnes qui écrivent avec leur cervelle, qui se coltinent des heures de rédaction, de relecture, de corrections fastidieuses, de réécriture et de galère sans nom pour tenter d’intéresser les gros éditeurs germanopratins. Ceux-là ne sont même plus reconnus. D’ici 3, 5 ou 10 ans, les prix Renaudot ou Goncourt seront remis à des écrivains dont on ne saura jamais s’ils ont vraiment écrit leurs livres.
Ce n’est pas un scénario catastrophe, c’est l’inarrêtable destinée littéraire à laquelle le techno-libéralisme nous destine ! Il y a quelque chose de vertigineux dans cet avenir immédiat. La littérature qui a connu ses heures de gloire, de flamboyance est réduite à l’état de confettis rentables ! Pourtant, il existe bien une autre voie. Plus discrète, plus intègre, c’est celle qui consiste à lire beaucoup, travailler énormément et surtout être convaincu que l’on a quelque chose à dire, un peu de discipline et un regard singulier qui fait d’un livre autre chose qu’un objet de divertissement pour lecteurs paresseux, écervelés et assoiffés de scenarii cadenassés dans une logique narrative « Grand public ».
A ceux qui considèrent ce billet comme arrogant, prétentieux et émanant d’un gros frustré de looser, vous savez où est la sortie ! Scrollez ailleurs que dans mon champ de vision et chacun se portera pour le mieux. Seulement, n’oublions pas que ce rouleau compresseur de techno-littérature trompeuse se doit d’être dénoncé par ceux qui sont d’accord avec ce qui précède. Lâchez ces IA, usez de votre cerveau (auteurs comme lecteurs) ou disparaissez ! Un combat vain mais qui ne me lâchera jamais jusqu’à ce que tout ça s’éteigne d'un coup.
Black-out total imminent…











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