Plus rien ne pouvait être plus vrai que le mensonge
➡️Quand la démocratie n'était plus qu'un corps rachitique, qu’elle était dépiautée par les mâchoires puissantes de la colère et de la vengeance, j'ai commencé, comme beaucoup, à devenir politiquement léthargique. Je poussais encore quelques gueulantes et je n'hésitais pas, les jours où la fatigue me lâchait un peu, à affirmer haut et fort mes opinions qui s'étiolaient. Je n'avais plus la force.
Les plateformes de séries et de films, la dope, les lectures étaient une prison volontaire pour échapper à la tenaille étatique... Sous prétexte de combattre le terrorisme ou de préparer une guerre vendue comme le nouveau smartphone de la décennie, tout le monde était contrôlé, surveillé, analysé. Même notre fondement, crachant ces selles infestées de chimie, était sous-calibré, analysé. Toutes nos données, nos habitudes, nos excès, nos doutes, nos secrets, nos envies et nos troubles mentaux étaient stockés dans des méga-datacenters installés on ne savait où. Nous ne savions même pas ce qu'ils en faisaient... Plus rien ne pouvait être plus vrai que le mensonge.
Même si ce job me pèse beaucoup, qu'il ne m'épanouit pas, il m'offre tout de même une zone hors connexion où tout ce qui est fait, dit, écrit, tout ce qui y est ingurgité, inhalé, respiré, ne sort jamais de là. Il me faut près d'une demi-heure pour parcourir le trajet qui sépare le grand portail d'entrée de mon bureau. Pour échapper au contrôle, on est plusieurs fois contrôlé, scanné, analysé. On cherche en nous toute trace d'infection numérique. Les outils bien sûr : puces, cartes, pièces d'identité, cartes de crédit, smartphones, etc. Mais aussi l'état cérébral, l'intégrité du système nerveux, les traces de nouveaux vaccins à technologie nanoscopique, la composition du sang, prothèses diverses, greffes, broches, plaques, mensurations, etc.
C'est si fastidieux que j'en viens régulièrement à dormir au bureau pour ne pas devoir subir ce parcours. L'ambiance y est calme, sécurisée. Les collègues sont plutôt proches de timbrés flippés et immatures que de travailleurs disciplinés. C'est là que j'écris, lis, analyse. C'est ici que je suis libre de profiter de mon pénitencier volontaire.
Projet en cours de production... Encore quelques mois ou années de travail.











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