La mort est la liberté, la mort est l'éternité
Une société sans jambes et sans
bras qui se branlait sous la houlette de ses élites crétines sur ses semaines
de l'emploi, journée de la gentillesse, mois sans tabac, week-end sans
cervelle. Les ermites numériques étaient des entre-deux humains. Nous ne
pouvions même plus pisser gratuitement, nous ne pouvions même plus nous
suicider sans présenter notre titre de transport à un contrôleur zélé. Il ne
fallait pas mourir dans la dignité, il fallait rêver de vivre comme un PDG de
Google ou de Tesla pour l'éternité sur une Terre peuplée d'humains assoiffés de
vedettes. Je me projetais dans leurs utopies néo-nazies, leur philosophie de
centre commercial, leurs rêves de pureté, de sélection de la race mais à
l'échelle de l'humanité. Le soi avait remplacé la pureté d'une race aryenne ou
indienne, l'espace vital avait été substitué par le moi-roi, ouvrant la porte à
la sélection, à la gestation pour autrui, à la célébration de ses propres gènes
de connard qu'on voulait faire perdurer pour des siècles et des siècles.
Vacances à Dubaï, 100000 likes sur un tweet de bouffon, végétarisme de
l'émotion. La nature sauvage réduite à l'état d'une plante exotique dans le
salon et d'un chat bouffant des croquettes sur le tapis. Le mot liberté était
dans toutes les bouches, liberté qui signifiait la morale, liberté qui voulait
dire impunité pour les uns et interdiction de choquer pour les autres. La somme
des minorités ne faisait pas une société de la tolérance et du vivre ensemble,
elle ne formait en fait qu'un monstre aux milliers de tentacules qui se
bastonnait contre lui-même. Il ne fallait pas dire ci sous peine d'être humilié
par des milliers de débiles du café du commerce relâchés de leur cage locale
pour se déverser dans l'arène Internet. Les hordes du Moyen-âge déferlaient à
nouveau. La liberté donc, de ne pas froisser ces merdiques, la liberté de
supporter les conneries sans nom proférées par leurs prophètes criminels et
incultes et leurs dieux du dégueuloir intellectuel. La liberté de ne jamais
être tranquille, de supporter un chien bipède brailler dans son portable…
Les ruines de la mégalopole
fument encore ici et là. La mort est la liberté, la mort est l'éternité.
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