Elle s'en cognait de ses tétons, pas moi.


©Photo de Yentel Sanstitre

Quand je le vis se masturber sur des films de synthèse en 3D montrant des ingénues se faire violemment sodomiser par des zombies géants ou des gorilles albinos, je compris que le monde appartenait aussi à ceux qui rangeaient mal leur chambre et se rasaient comme on égorge un ennemi.

Elle s'en cognait de ses tétons, pas moi. En lui lavant les pieds, je fis une pause et les dégageai un peu. Des mois et des mois que j'en rêvais.

Plus intéressant était la blondeur cachée derrière cette perche charismatique. J'en chiais sous la chaleur, littéralement bu par ce soleil perpétuel qui ne descendait plus de son perchoir céleste. Je pédalais et je pensais à sa blondeur, la roseur de ses tétons terreux, la saveur salée de ses pieds sales... J'avançais, défonçant mes canaux sanguins sillonnant mon crâne.

-          Vous pouvez regretter la garnison qui était postée ici. Elle en faisait vivre des putes et des vendeurs de bières pression. Mais avec notre projet, bientôt, cet îlot abandonné où vous vous ennuyez, redeviendra un endroit vivant et festif.
- Ouais, avec des putes! Des putes à gogo.
Ils rirent gras mais je sentais que les visiteurs simulaient la complicité avec Daddy.

De chaque côté de la route, des champs asséchés à perte de vue, de la caillasse, un ou deux renards ébouriffés battaient les sentiers qui serpentaient. J'étais heureux, bercé par les souvenirs de ma sœur à la bouche ouverte, les os des angles du corps sortant méchamment. Je devais faire vite sans quoi le ventre vide et le foie saturé d'alcool allaient faire leurs œuvres chez Daddy, dedans Daddy, et pas seulement.

Tous ces imbéciles pouvaient faire semblant de ne rien voir, ou pire, ils pouvaient rester comme des cons, râleurs, parfois rebelles... Ils pouvaient continuer comme ça, mais moi, mon père, et ma sœur aussi - à sa manière - savions que des tas de personnes étaient en taule ou tués pour leurs idées là, dans l'empire qui se disait démocratique. J'aurais préféré qu'il soit moins con parfois et qu'il ne s'en soit pas pris à ma sœur... Mais je l'aimais quand même avec sa gueule de bière, ses poings serrés, ses shorts moulants. Ça faisait presque cent ans que je pédalais lorsque j'entrai dans les faubourgs de la petite ville.

Les villes, les petites, les géantes -à l'instar de grosses mains avec des poils dessus- étaient la banlieue du désert au presque-centre duquel nous comptions les grains de sable, les coups de tatane et les voix mortes.

Eminem, c'était un peu daddy en pédé américain qui choumait avec des nigeurs des gay-taux... Je trifouillai dans ma poche pour trouver le sou. Le porte-monnaie en forme de patate molle en faux cuir était quasiment vide. J'ouvris la fermeture, je tâtai le fond: un billet de 5, une capote emballée et une pièce de 2. Je n'avais plus qu'à descendre de mon biclou, percé la lumière orange du soleil éternel et entrer dans l'épicerie à la vitrine floutée par la saleté.

Les gens étaient effrayants avec leur œil de cyclope, leur façon de prendre une voiture de 800 kilos comme s'il s'agissait d'une huître à porter à la bouche. Ils étaient effrayants, ils sentaient le café premier prix. Ils tenaient la caisse. Ils trinquaient au temps qui galopait. J'avais peur d'eux. Des clochettes firent un bordel monstre lorsque j'entrai dans la boutique. Il y avait une cage de perruches hurlantes, une ligne de fripes de pêcheurs et de bûcherons puis la "chose" mulâtre qui faisait office de caissière, videur et momie décorative.

Lorsqu'il regardait Les bûcherons de l'extrême avant d'aller se pieuter, ça sentait l'orage, l'humidité, les roustons lourds sous le peignoir blanc molletonné. Il applaudissait devant l'écran en grognant "ça c'est des hommes bordel! R'garde-lui, son front c'est une piste d'atterrissage prêt à recevoir un bon pif moelleux". La nuit, les murs causaient, surtout lorsque le zéphyr se tognait avec le sirocco presque sur le pas de notre porte.

J’ouvris le mail. Elle s’était plantée de destinataire. Ma sœur s’adressait à qui ?

« Il me baise...

Quand il me grimpe dessus et entre sa queue moitié dure dans ma fente, je me sens bien... Je pense à autre chose. Je détourne la tête, sauf quand par enchantement il a envie d'un baiser qui bave. Je le laisse faire. Me fous bien de l'orgasme. Me fous du sien, du mien. Me fous de ça. Je tourne mon regard vers la fenêtre et fais abstraction de la douleur, la chaleur irritante... J'ai en tête ce bébé noir totalement osseux. J'en fais des larmes.

- Quoi t'aimes pas c'que j'te fais là?

- Si j'adore. C'est si bon que j'en ai les yeux qui coulent.

- Ouais je sais que t'aime la sentir profond ma queue.

Il fait une autre lumière derrière les rideaux. Ce qu'il me fait, c'est un emboutissement. Voilà, ce qu'il me fait, c'est ça. Je me demande si je dois acheter un énième cadeau à mon neveu pourri gâté, ou tout donner à une association humanitaire... Si je ne fais pas de cadeau à mon neveu, lui me mettra encore des baffes... Tant pis pour le petit africain.

Une goutte fluide et salée de sueur tombe de son visage congestionné sur mes lèvres... J'aime ça. Ça donne du goût à mon dégoût. Ça l'embellit un peu. Il grogne. Me soulève un peu plus pour me laminer, aller et venir très vite, mouiller ses doigts avec sa salive pour lubrifier ma fente. Pendant qu'il fait. Il fait. C'est bien. Je m'impatiente. Je ne parviens plus à penser à autre chose qu'à la brûlure que son viol banal provoque dans mon ventre... J'ai envie qu'il abrège. Je veux qu'il cesse. Je veux qu'il s'achève enfin au fond, entre mes flancs. Fuiiiit, le jet chaud, son corps contracté par la fureur de l'orgasme et ses insultes finales: "Sale pute t'aime ça, grosse putain! J'te défonce salope!"

Pour qu'il s'achève dans mon ventre, et vite, je pousse des petits cris, je gémis un peu, ne pense plus à autre chose... Je compose la chanson de l'orgasme qui provoquera le sien. Je lui indique que je suis prête, que je suis là, que j'aime qu'il me lamine, que j'aime qu'il insulte mon intégrité physique et psychique... Et alors ça s'accélère. ça va un peu plus vite. Je suis comme toutes les femmes, je sens ça, je sais ça, mon enveloppe femelle comprend tous ses signaux. ça nous vient des millénaires passés. C'est presque l'instinct. C'est l'instinct...

Qu'il se réalise et s'achève en moi. Qu'il se vide puis s'effondre sur et en moi... Qu'il s'enlise dans son mensonge, qu'il se construise des excuses à sa nature de bête dégueulasse, d'égoïste boursoufflé par les hormones et la violence. Qu'il crève un instant en moi. Cet instant magique où enfin il me laisse tranquille, figé dans l'orgasme, à des milliers de milliards de kilomètres de moi... Plombé dans sa jouissance égocentrique, installé, suspendu, dans son paradis d'homme: l'éjaculation explosive. L'oubli... Là où il ne peut ni parler, ni sourire, ni pleurer... Paralysé...

Qu'il s'achève. Ça n'a que trop duré. ça dure. Sa bite m'emmerde. Tant qu'il ne vient pas. Et me dit qu'il faudrait que je lui enfonce une photo de gens qui crèvent dans son cul. c'est trop long, je suis colère. C'est trop long. ça brûle. ça dégoûte. Et sa sueur en torrent qui envahit la peau de mon visage. Qu'il vienne.

Et il vient. Et disparait dans son paradis d'homme. Son orgasme. Le sien. Rien qu'à lui. Loin de moi. A des milliers de milliards de moi...

Puis il s'effondre presqu'en suffoquant. Sa queue congestionnée pressurisée par mon vagin que j'ai appris à contracter, pour le rassurer, l'attirer, le blottir dans sa jouissance...

Il s'enlève. Se retourne rapidement. Se lève. Pisse bruyamment ensuite. Et s'en va là-bas, devant sa télé...

Je suis recroquevillée. Et je n'ai plus envie de penser au bébé qui crève...

« J'ai eu ce flingue en échange d'une tondeuse à gazon. Mais j'ai pas eu l'occasion de m'en servir. Mais si y faut, j'le ferai ». Il bidouillait la crosse avec ce sourire en coin de satisfaction virile.

Bribes-extraits du roman en cours d'écriture « La Diaspora des derniers jours/Un homme clitoridien ».


Andy Vérol

Commentaires

Unknown a dit…
Magnifique, Andy.
Unknown a dit…
Magnifique, Andy.

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