Ils étaient gros nos Jonathan et Jennifer Hart | 26 septembre 2008

Heureusement le couple Laitron était là pour jouer les médiateurs et faire passer la pillule. Notre instit' gentil dit « ces enfants méritent notre respect », et monsieur Laitron répondit : « Certes, mais ce sont surtout des enfants comme... toi... toi... et toi... ou toi encore. » J'avais envie de faire pipi de peur de me dire que ces têtes de débiles allaient dormir dans la chambre à côté de la mienne. En même temps, j'avais mal au cœur pour eux. Enfin,  je sais pas, j'mélangeais tout. Je sais une chose, les Laitron, on les appelait les « Justiciers Milliardaires » comme dans la série où Jonathan et Jennifer Hart étaient des joyeux serviteurs fortunés des causes à la con.
La suite:
Tout du moins leur fortune avait été bâtie grâce à l'exploitation de domaines forestiers gigantesques (enfin à l'échelle d'la France, parce qu'en Russie ou au Canada, tu vois quoi voilà). Ils étaient comme tous les bourgeois. Ils vivaient dans leur grande maison, se tapaient des voyages, des trucs que personne ne pouvait se payer, et cela écorchait leur conscience. Confiance, ai confiance, confiaannce... Ils avaient décidé, sans doute à l'instant d'une gliclette, de s'investir dans une cause. On en parlait partout dans les Ardennes. Ils étaient régulièrement interviewés dans l'Ardennais ou dans l'Union, les journaux la classe du département d'la région.
Martine Laitron devint la mère de tous les handicapés de notre secteur. Gérard Laitron, devint le gestionnaire de l'association, et prit en charge les relations publiques (coups d'fil à Michaël, prononcez à la Jackson, le pigiste sport des pages "sociétés" de l'Union). Ils étaient gros nos Jonathan et Jennifer Hart. Ils avaient du bide, des cheveux un peu sales et des haleines fétides de vieux requins édentés. Mais ils avaient du coeur. Ils nous souriaient franchement et riaient lorsque nous faisions des conneries. Pour eux, la jeunesse devait s'éclater, et Gérard Laitron, alias Jonathan Hart, mettait des mini-claques aux culs en lançant-murmurant: "C'est pas bien de faire ça." On était en confiance.
A chaque classe verte, j'étais dans la chambre tout au fond du long couloir. Deux lits gigognes que nous occupions comme la ligne Maginot. Notre espace de liberté assumée que presqu'aucun adulte ne pénétrait, sauf l'instit gentil, m'sieur Laurent qui, parfois, nous rappelait à l'ordre.
J'étais toujours avec Hutch. J'étais plus à l'aise avec lui. Jamais il ne me lachait. Il aurait fallu qu'il s'éloigne un peu pour que je me fasse tabasser par les deux autres bouffons. Ceux-là n'aimaient que la baston, les concours de pets foireux et les humiliations de toutes sortes (insultes consacrées aux mères, sanctification de tout ce qui pouvait toucher à l'anus et ses déjections). Ils étaient les chimpanzés de la chambrée. Quant à Hutch et moi, étions les bonobos, plus sensibles aux murmures, aux sensualités diverses et variées, aux rêveries et aux jeux scénarisés (nous vivions en permanence dans le futur ou au moyen-âge, ou dans l'espace ou en Antartique, etc.). C'était notre façon d'appréhender la liberté, de la faire nôtre.
A suivre...
Robert de Niro n'est plus un héros...
Andy Vérol

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