L'amour, c'est cette chose que l'on fait avec des orifices | 24 septembre 2012

©Photo de Yentel Sanstitre
Un grognard s'empiffrait des cuisses de pintades bien grasses. Il me donnait envie de toucher le luisant de ses lèvres mais aussi de lui casser l'arête du tarin à coups de maillet. La cantatrice assise à côté de lui, était souffrante, la gorge asséchée par une tumeur bénigne. Elle semblait écœurée par la mastication bruyante de son ours de mari. Des pirouettes en forme de lame de serpe.
« J'en ai braqué des bagnoles à l'époque. Je sais, c'est dégueulasse, mais les récalcitrants, on les calmait à coups de marteau ».
Il me laissait toujours un pourboire///
Entre deux inspections, je me sifflais deux verres de Suze, cul-sec, le grognon posé sur un tonneau. Belle bille, les boules sur la moquette, des frites, un doigt plongé dans l'huile. Liant. YAAV s'accroupit sur le tapis de paille et invoqua le soleil. Dans la fumée épaisse de six clopes allumées en même temps, j'aperçus « Créole », celui que je n'avais pas encore contrôlé. Dehors le ciel était coloré chocolat, une larme de buée fraiche en travers.
« L'amour, c'est cette chose que l'on fait avec des orifices, des fluides et des phrases à peine audibles? ».
Il balbutia trois baffes avant de fondre en larmes sous les regards réprobateurs d'une mamie maline et d'un molosse mou. Il n'avait pas son titre de transport:
« Je vous remettrai aux mains des autorités à la prochaine gare ».
Filer des sourires dans le bancal de la vitesse de croisière.
Cette fille tremblait: « Je suis gelée, j'ai été plaquée, et j'ai fait la rebelle tout le temps alors que je tremble dès qu'on veut me faire une piqûre »...
Le pouvoir était dans l'uniforme, dans l'odeur et le bruit de la locomotive. Le pouvoir était dans la poinçonneuse, le "titre de transport s'il vous plait"... Le pouvoir était dans le service impeccable des vins. Le pouvoir était la nuit qui enveloppait le train qui perçait l'espace... La porte résistait mais finissait toujours par céder. Le wagon de queue, vide, aux effluves d'essence et de sac d'aspirateur usagé, était le sas, un purgatoire personnalisé. L'alcool était une bombe jetée dans les gorges, un fluide brûlant qui vautrait la raison sous la pieuvre fumante du hier pas demain du maintenant pas hier du hier pas demain. Mes yeux chalumeaux trouaient la croûte terrestre de ses genoux, la foulée douce, les mœurs des doigts qui vont ici là n'en font qu'à leurs bouts. Taka takaaa taka takaaa... signal sonore, voix micro: "Château-Thierry, 3 minutes d'arrêt"... Deux pelées paniquèrent avec leurs valises et leur "dépêche-toi c'est là qu'on descend"...
Il tombait des douches dehors... Dans les cabinets, les robinets fuyaient...
Extrait de « Métabolisme de l’alcoolique ».
(Texte sans limites bâti sur le principe du cut-up vérolé. Des bribes de textes mises bout à bout. Ces fragments sont des statuts lâchés sur les réseaux sociaux au gré de mes turbulences psychiques et des modifications rapides de mon métabolisme).
Andy Vérol

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