Un homme clitoridien (suite) | 13 octobre 2012

©Photo de Yentel Sanstitre

Extraits parcellaires de la nouvelle Un Homme Clitoridien (V.2)
Elle avait les idées bien rangées mais elle avait des odeurs, des mauvaises, des âcres... et ça, il ne l'accepta pas, trempé jusqu'à l'os... « C'est l'couteau qui va la désinfecter »...
Il garda son calme, sortit l'arme et la posa presque délicatement sur le front du provocateur. 
Il ne tremblait pas et fixait son gars froidement. Autour, la foule des passants ne bougeait plus, presque silencieuse. Seuls des gosses pleuraient.
Quand je lui dis que j'aimerais être travailleur social dans les quartiers, il me décrochait la mâchoire en une seule gifle. « La racaille, c'est une balle dans l'coffre et rien d'autre ».
De sa voix rauque d'ex-gueulard des stades: "J'ai passé l'âge d'attraper l'Sida!"
Mazoute chaussette, odeur lumière...
« De quoi tu vis daddy?". "Tu connais le go fast? »
Quand les journalistes de M6 s'approchèrent de la station, il leur tira trois coups de fusil mal cadrés: « BARREZ-VOUS TAS DE PEDES DEGENERES! »
Parfois, elle faisait des "lol" de vaccination amicale sur son mur facebook, une guibole sur l'autre à pétarader ses livres de pistaches avalées « pour décompresser... »
Truculente façon de tuer les piafs en automne.
ça veut dire qu'on sera morts comme aussi, comme eux avant, comme eux, on est impolis, on essaie de se racheter, on rate, on est écrasé par la mémoire des autres, la mémoire des autres, elle falsifie ceux d'avant, elle les interprète, elle les range///
 /// elle arrange, fabrique des succédanés de damnés, des dents dures contre la réalité des trépassés, une conspiration du présent sur le passé. Et toi mort, on fera comme tu faisais avec eux, on te réécrira, on t'attribuera des intentions, des pensées et des actions que tu n'auras sans doute jamais vécues///
///Comment peux-tu parler de ceux d'avant? Que sais-tu? Sais-tu qu'il avait un complexe avec ses orteils déformés? Qu'il pensait que son sexe pouvait être sali dans les mauvais trous? Que sous ses airs de père de famille honnête, il se vidait chaque nuit dans des shemales en camionnette?///
///Un jour, toi aussi tu seras détruit dans la bouche des autres: "Il était sympa mais parfois qu'est-ce qu'il était casse-couilles"... Un mort est souvent embelli ou totalement démoli, Khadafi de la biographie, momie vivante citronnée à la connerie, une route ruineuse est construite dans un désert///
///Je déteste croupir seul. Daddy domptait ses peurs en ligotant les autres... Je le vis un jour, un soir plutôt, alors que j'avais sifflé une boutanche de vodka///
///Une marmite d'eau bouillante dans les mains, manches retroussées, il entra dans la chambre d'amis. Un gros type en caleçon blanc et mou était fermement attaché, bâillonné, tremblant. « J'vais te bouillanter et après j'vais te découper tes sexes. »///
///J'avais encore la sensation de ses doigts glacés; quelques secondes plus tôt, il avait passé sa main sur ma nuque et m'avait murmuré: "Tu redeviens mon fils, t'es le mien, j'en ai qu'un"///
///Tricard, soudain, il avait fini par balayer l'air en signe de rejet. Moi poussé sur le parquet.///
Andy Vérol

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