Tout existe, y compris la normalité.





20 juillet 2011: on joue à faire des châteaux de sable (et rêves de sang comme le titre d'un recueil de nouvelles solutions)... Quelque part, l'enfant et moi formons un îlot de vie, d'un bonheur minuscule et suffisant. Un bonheur qui nous fait oublier la présence de la foule autour.


21 juillet 2011: des tas de cons sur internet m'écrivent des messages privés et mielleux pour tirer profit de ma notoriété à la con. Ils me parlent avec ce petit ton de faux culs en quête d'un coup de pouce. Qu'ils crèvent. J'ai pas cherché cette célébrité aussi lourde qu'un rail de voie ferrée. J'écris. Juste j'écris. Juste j'ai besoin d'engendrer de la caillasse. M'en fous de leurs petits textes, leurs petits talents. Moi j'ai l'enfant à nourrir maintenant. Je dois simuler le hardcore pour satisfaire tous ces abrutis névrosés. J'ai besoin de maille pour l'enfant, pour les clopes, pour l'essence, pour les lunettes de soleil. On est assis devant le coucher de diurne. Dieu nous a foutus là devant ce ciel rouge. Il est gentil l'enfant, il rit, assis sur mes jambes croisées sur le sable. Je lui fais à dada sur mon papounet. Il éclate de rire à chaque sursaut.


22 juillet 2011: mon éditeur me verse 48 malheureux euros de droits d'auteur. Je suis allé les claquer au casino du Tréport. Une putain de chance, j'ai tiré le gros lot. gain: 285 euros! J'ai laissé le gosse seul dans la chambre. Il dormait. Puis je me suis inquiété. J'ai pris ma thune et je suis retourné à l'hôtel. J'attends une fille de joie pas jolie chopée sur Internet. En Picardie, elles sont pas gourmandes. J'ai loué ses services jusqu'à demain midi. Une nuit. Un petit déjeuner. Un restaurant avec l'enfant. Histoire de vivre un simulacre de "normalité"... ça existe la normalité, au même titre qu'il existe des galaxies rouges, des bleues, qu'il existe des amas d'alcool gigantesques dans l'espace, des colonies de microbes cultivés dans l'infiniment petit. Tout existe, y compris la normalité. Elle ne va pas tarder. Je l'ai briefé par SMS: "pas de tenue de pute. Sobre. Jean, talons, petit top simple mais moulant. C'est pour l'enfant. Je veux t'appeler maman devant lui, je veux que tu sois affectueuse avec lui, que tu prennes soin de ce petit bout. Je veux qu'on baise sous la douche et qu'on regarde un film des années 70 à la télé. Je te paierai 100 euros avant. 100 euros après. Tu partiras après le restaurant de fruits de mer".


23 juillet 2011: il va sans dire que je me suis senti triste hier lorsqu'elle nous a quittés. Cette fille s'appelait Sonia - son nom de pute - et Julie - son nom de fille humaine- et s'est un peu laissée aller après le film. Elle a même raconté une histoire de prince charmant à l'enfant pour l'aider à dormir. Elle était tellement dans son rôle qu'elle a tenu à me faire une pipe dans la buanderie de l'hôtel plutôt que dans la chambre. On formait une belle famille provisoire. ça s'achète, tout s'achète. Les gens vont bien dans des parcs d'attractions, regardent bien des films de fiction qui les attirent dans une fausse réalité. J'ai des problèmes de conscience quand je ne fais pas de bien au gamin. Cette fois, il était content, il a même failli dire maman à Sonia... à Julie. Parfois, souvent, on tombe amoureux de la prostituée, parce qu'on voit bien qu'elle était humaine aussi... En partant, elle m'a fait une bise sur la joue et un bisou sur le front de l'enfant. On est restés là sur le trottoir du Tréport, pas loin du carrousel qui braillait des tubes dance du moment. On était éplorés tous les deux. Sa petite main dans ma grande main.

Léonel Houssam

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