Tuer la dépendance à l'alcool - Confessions inutiles 1

 



Je ne souhaite à personne de souffrir de la moindre addiction surtout avec des produits stupéfiants, du tabac et bien sûr de l'alcool, ce produit si rentable à l'Etat et si coûteux à la Sécu, à la société et aux foyers. 

Cette petite introduction fort consensuelle faite, je dois dire qu'accepter de se considérer comme un addict, un accroc, ça n'est pas difficile. Mais s'engager dans une démarche d'accompagnement, c'est tout autre chose. 

Après plusieurs tentatives individuelles de sevrage, je me suis rendu à l'évidence: les rechutes sont à chaque fois plus intenses, féroces, dangereuses, tant pour ma santé, mon mental, ma vie mais aussi celle de l'entourage. Ce dernier finit par se résumer à une succession de beuveries avec des "amis" qui, lorsqu'ils n'ont pas avalé leur premier verre, n'ont absolument aucune considération pour toi. Et l'inverse est vrai aussi. 

En ouvrant les yeux, soit on est seul, soit on ne s'entoure que de poivrots en capacité d'échanger, rire, débattre qu'en état d'ébriété. Les personnes qui ne consomment pas ou très peu ont depuis longtemps disparu de l'environnement de vie immédiat. 

C'est difficile de s'en apercevoir parce qu'on ne se rend pas compte que l'on est perçu uniquement comme un picolard agréable à l'apéro mais complètement insupportable au digestif. 

Comment faire quand on ne sait plus vivre que comme ça ? S'amuser, oublier les soucis du quotidien, gérer les problèmes sentimentaux et relationnels se résument à boire. L'exaltation est totale, les peurs, les appréhensions, les lâchetés et l'impression de ne pas être à sa place parmi les autres donnent à l'alcool ses qualités d'élixir d'oubli. La deuxième vie, celle qui baigne dans les spiritueux, vins et autres bières, paraît tellement moins terne, ennuyeuse et pathétiquement triste que la première. 

L'inconvénient pourtant est de détruire absolument tout ce que l'on aime. Des proches bien sûr, mais aussi les capacités à pratiquer les activités qui permettent de faire avancer. Et dans mon cas, il s'agit de l'écriture. 

Je me suis résolu à passer le cap suite à une énième cuite monstrueuse il y a quelques jours. Le mal-être, le désir de mort que je ne peux combattre qu'en picolant, les mots blessants balancés à la volée à ceux qui ne méritent pas de les entendre m'ont poussé à chercher une solution. 

En pianotant sur internet, j'ai découvert le monde merveilleux des sites, structures et numéros de téléphone pour la lutte contre les addictions. C'est un peu comme marcher sur une corniche quand on a le vertige. Pour ceux qui ne souffrent pas de dépendance, ça ne peut pas parler. Il paraît évident que l'on va voir un médecin quand on est malade. Mais boire, c'est modifier l'architecture mentale, c'est toucher à des coins de l'âme qui puent méchamment. 

C'est un chemin de croix qui commence. D'apparence extérieure, je pense que personne ne pourra s'en rendre compte parmi ceux que je côtoie de loin ou rarement. 

Le centre d'addictologie de ma ville est injoignable par téléphone. Premier mauvais point. On aimerait, quand on se résout à défier le vertige, que quelqu'un nous dise de cesser de marcher au bord de la falaise. J'ai lutté. Petit picolard disait à petit Léonel qu'il devait laisser tomber ces conneries qui n'étaient que pour les gros ivrognes incapables de vivre une seconde sans boire. J'ai dit à petit picolard d'aller se faire foutre. Première victoire. J'ai sauté dans un RER (il y en a 2 fois moins du fait que les personnels roulants sont massivement touchés par la Covid, merci encore un obstacle) pour me rendre dans ce centre. Mon GPS m'indique un chemin et me voilà devant un hôpital de jour. Mauvaise pioche. Une gentille dame m'indique une autre direction. Je me retrouve devant le bâtiment d'une association de Tziganes. C'est pas là que je vais réussir à arrêter de boire ! 

Finalement, je parviens, en errant (Petit Picolard me disait "rentre, tu t'en bats les couilles, c'est un signe du destin, va te prendre une bière et tu verras ça demain") à dénicher le centre d'addictologie. Et là, une dame et un jeune homme parlent de la porte d'entrée qui déconne. J'étais à deux doigts de me sauver, mais elle m'a immédiatement pris en charge pour me dire: "Désolé, la secrétaire n'est pas là, il faudra prendre rendez-vous demain matin. On tâchera de rapidement vous rencontrer."

Et voilà, sorti du centre, sans rendez-vous, je me suis dit: "Merde, les petites embûches sont en fait d'énormes montagnes à gravir quand il s'agit de faire une chose qui est finalement très dure à accepter."

Conformément à ma lutte intérieure, je ne suis pas allé au rayon alcool de mon supermarché. Je suis rentré à la maison... Et je me suis programmé un appel pour demain matin afin de décrocher ce premier rendez-vous. 

Je ne sais pas où tout cela mène. Ce qui paraît anodin est vécu comme un parcours du combattant: et le combattant lutte contre lui-même, contre son désir irrationnel de s'enivrer. Car la vie n'a pas de sens, la vie est emmerdante, parfois pénible. La vie, c'est supporter ces cons d'humains partout dans la rue, dans les relations sociales. La vie, c'est se supporter soi, se regarder dans un miroir et se dire qu'on est vraiment qu'une tête de con.

Malgré tout, je sais que c'est picolard qui me met ça dans le crâne. Et je sais une chose qui me sauve: je n'ai jamais eu besoin d'être ivre pour écrire. Les mots sortent sans mal quand je suis sobre, ils sortent plus forts, plus ordonnés, plus profonds quand je ne suis pas murgé. C'est ça qui me sauve. L'écriture n'est pas conditionnée à l'addiction, elle est même complètement découplée de celle-ci. L'horizon est là... et j'espère ne pas être trop seul pour ce long combat. J'espère aussi que Picolard ne viendra pas m'emmerder à tous les coins de rue de mon esprit ! 


A suivre... 

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