Des images de massacres - Chroniques des Parallèles 14
Il ne fait aucun doute que ce qui se détruit autour de nous, nous détruit en nous avant même que les attaques, les pénuries, les chocs ne déglinguent le corps. L'érosion douloureuse de l'âme n'est pourtant pas aussi violente que ce que j'ai pu imaginer durant des années.
C'est peut-être même l'inverse qui se produit en moi. Un surcroît de force, un sentiment de puissance, sans colère mais avec une détermination très étonnante. C'est un peu comme si je voulais en goûter encore une bonne tranche de ce déclin. Comme si je croquais l'effondrement comme d'autres croquent la vie. Le désir de sentir la charogne, mon impassivité devant des images de massacres... Il y a surtout eu ce surprenant surpassement de la douleur des semaines durant, au point de m'y sentir chez moi. Peut-être était-ce dû au fait que j'avais l'intuition que cela cesserait un jour. Tout de même je sniffais intérieurement mes rails de douleur avec une délectation immense.
Je m'assois sur une tombe humide. Une croix briochée par les mousses vertes trône au centre du socle graniteux. Une pause. Un instant de plénitude avant de retourner dans l'estomac ulcèrique mondial et son humanité taillée en julienne par des IA désormais maîtresses des vies de chacun.
Il y a un rebond en moi, un désir d'en découdre jusqu'à la mort, aussi loin que possible d'une décrépitude accompagnée par une dépression permanente.
C'est ici, au-dessus du squelette d'un aïeux que je fais le vœu de vivre une minute comme s'il s'agissait de l'éternité.
Commentaires