La vie est un perpétuel procès - Chroniques des Parallèles 15

 
Leonel Houssam

C'est avec beaucoup d'impudeur que j'ai écrit ma pudeur. J'ai déshabillé mes souvenirs pour les exposer au regard de tous. Qui aurait osé dire qu'il avait couché avec son propre père de façon consentante ? J'ai osé et je l'ai payé cher. Très cher. Au petit matin, je découvrais des paquets de merde tiède sur le paillasson de mon entrée. Des tags haineux. Des insultes. Des menaces de mort. J'avais donc osé me mettre en danger.

Tous ces gens qui vont à des marches blanches m'ont toujours paru suspects. Sûr que dans le lot de ces mines décomposées, il y a toujours eu des gros dégueulasses, d'immondes croyants qui invoquent dieu, la morale, la république ou les valeurs humanistes et qui, la nuit, vont fourrer leurs doigts dans le pipi de leurs progénitures, vont chevaucher leur clébard ou pourrir de coups leur conjoint ou conjointe.

Ça pue clairement le poisson pourri tout ça. La gentillesse a toujours été un trait de caractère dégoûtant à mes yeux. Les traits dégoûtants de gens qui, au petit matin, déposent des merdes chaudes sur le pallier de ceux qui trahissent leur vision du monde, leurs valeurs de merde.

Jamais je n'ai été dupe sur la pureté supposée des gens. Ils jouissent de toute façon trop vite ou dans la paume de leur main. Ils passent leurs doigts sur l'anus pour en humer l'odeur. Ils envient les autres, ils dénoncent leurs collègues, ils font mine de ne jamais voir un génocide ou des attentats que leur peuple commet.

J'ai eu l'impudeur d'écrire ma pudeur. Je ne suis pas mieux qu'eux tous. J'ai aussi déposé à ma façon des merdes sur le pallier de la porte de l'un ou de l'autre. Ma pudeur consistait surtout à dire que je ne réalisais aucun péché. Je prenais cet air légèrement choqué quand j'apprenais qu'une collègue avait été massacrée par son mari alcoolisé alors qu'au fond, j'étais surtout certain que moi aussi, à de multiples reprises, j'avais eu envie de faire du mal à autrui.

La vie est un procès perpétuel que l'on nous fait en tout lieu. Le regard de l'autre, cette caméra organique pointée sur soi, est celle de l'inquisition qui fouille, recherche notre pourriture intérieure pour mieux nous la reprocher, et nous punir, et nous lapider, et nous bannir et nous faire croupir dans une geôle mentale étroite et crade...

J'aurais dû taire ma pudeur. J'aurais dû boucler définitivement cette bouche cérébrale qui me poussa à l'impudeur.



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